Mgr
Paul LaRocque, Louis-Napoléon Audet et Ozias
Leduc conviennent que la chapelle sera à l’image
de la Sainte-Chapelle de Paris. Influencé par
les Mystères du Rosaire illustrés par
les vitraux du chœur, un thème de la décoration
s’impose : Marie co-rédemptrice. L’artiste
dispose d’un environnement gothique, composé
entre autres d’une voûte aux arcs doubleaux
et d’un arc de triomphe. Dans une première
étape s’échelonnant d’avril
1922 à mai 1923, Ozias Leduc, aidé par
son apprenti Paul-Émile Borduas (âgé
de 17 ans), met en place l’univers du décor
composé de 26 motifs différents (1).
Le rosier mystique recouvre la voûte du chœur,
tandis que les litanies de la Vierge constituent un
judicieux décor pour les vitraux. Voici comment
Leduc pense le ciel étoilé dont il revêt
la voûte de la nef :
Fond
bleu profond, semé de croissants et d’étoiles
d’or. En certains points, ces croissants et ses
étoiles de différentes grandeurs jetées
confusément sur le bleu, apparence de voie lactée.
Un chaos qui peu à peu progresse et s’ordonne
en un semi régulierement [sic] disposé.
Symboliserait l’état de confusion et de trouble
où furent Adam et Eve, apres [sic] leur chute.
État malheureux, en suprême contradiction
aux saintes disciplines, qui a voulu l’avènement
de la Vierge Corédemptrice, ou [sic] resplendissent,
comme en de symétriques ordonnances, la toutepuissance
[sic]misericodieuse [sic] du maître et sa Justice
divine. (2)
Malheureusement,
Mgr Paul LaRocque ne peut admirer l’ensemble de
l’œuvre de Leduc puisqu’il décède
en 1926.
Quatre
espaces découpées par des colonnes dessinant
des arcs en ogives sont à combler. Quatre tableaux,
que Leduc réalise entre septembre 1931 et août
1932, les occuperont. Dans son atelier de Saint-Hilaire,
Marie co-rédemptrice habite l’esprit d’Ozias
Leduc. Il fait de nombreux croquis, décide des
couleurs et détermine le médium.
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De
ce travail de maître naissent les toiles marouflées
illustrant L’Annonciation de Marie co-rédemptrice
à Adam et Ève, L’Annonciation, Le Recouvrement
de Jésus au temple et La Crucifixion. Comme le souligne
Laurier Lacroix, l’espace exiguë de la chapelle
permet peu de recul pour apprécier les détails
et l’artiste divise donc ses œuvres en trois
registres :
La
partie supérieure, délimité par la
pointe de l’ogive, est consacrée à la
représentation d’attributs divins autour desquels
sont placés deux anges adorateurs. Ces anges reposent
sur des phylactères qui reprennent des passages du
texte de la Bible se rapportant au sujet principal. Celui-ci
occupe les deux registres inférieurs. La Vierge Immaculée,
l’ange Gabriel, Jésus adolescent et le Christ
crucifié. Ils sont placés devant une forme
ovale qui unifie la surface du tableau : l’arbre de
la connaissance, les fleuves de la grâce, le temple
et une mandorle portant les dons du Saint-Esprit. À
la partie inférieure des tableaux on remarque Adam
et Ève, la Vierge agenouillée, Joseph et Marie
enfin, la Vierge, Jean et Marie-Madeleine au pied de la
croix. (3)
Un
seul tableau diverge des trois autres quant à la
forme et à la perspective : Le Recouvrement de Jésus
au temple. L’artiste doit composer avec une contrainte
: la porte qui donne accès à la sacristie.
Se servant de l’arc de la porte, il peint une galerie
où se tiennent Marie et Joseph, tandis que Jésus
est dans le temple en second plan. Une fois les tableaux
en place, l’Arbre de Jessé, encerclant la porte
principale, complète ce chef d’œuvre qui
fait la fierté du palais archiépiscopal.
(1)
Laurier Lacroix, « Œuvres d’art
de la chapelle de l’Archevêché de Sherbrooke»,
dans Les chemins de la mémoire,
(2) Gouvernement du Québec, Commission
des biens culturel s, [s.d.].
(3) Extrait du journal d’Ozias Leduc
(8-9 mai 1922), reproduit dans Journal of Eastern Townships
Studies / Revue d’études des Cantons de l’Est,
no. 8 (printemps 1996), p. 96.
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